By Apolline POIROUX
Résumé
De nombreuses organisations de certification et labellisation d’écoquartiers ont vu le jour ces dernières années à travers le monde. Chacune d’entre elles retient des critères propres pour définir la notion d’écoquartier. Dans cet article, nous nous sommes intéressés à comparer la certification LEED ND (Neighbourhood Development), utilisée en majorité en Amérique du Nord et le label EcoQuartier, développé par le ministère de l’environnement en France. Nous avons utilisé comme outil de comparaison les sept principes de l’éco-urbanisme (Holden et al, 2015). Cette analyse met en évidence des idées transversales aux deux certifications qui semblent être intrinsèques à la notion d’écoquartier : l’importance de l’impact environnemental, le développement d’une économie et d’une gouvernance locale, l’importance de la solidarité et de la mixité fonctionnelle des quartiers. Elle met aussi en relief des différences de conception de part et d’autres de l’Atlantique. Le LEED ND se révèle être une certification très stricte comprenant de nombreux critères définissant précisément le niveau d’attentes pour devenir un quartier durable. Alors que le label EcoQuartier ne propose que des pistes de réflexions permettant aux aménageurs d’engager des discussions autour de thématiques durables. Enfin, les différences de modèles des deux référentiels (public ou privé) questionnent sur la nécessité et la place d’un tiers pour gérer la question du développement des quartiers durables dans l’aménagement des villes de demain.
Comment les 7 principes de l’urbanisme écologique s’appliquent pour ces deux certifications ?
Le LEED ND comme le label EcoQuartier répondent plus ou moins en détail aux 7 principes de l’urbanisme écologique[1]. Néanmoins, les deux certifications ont chacune leurs spécificités qui révèlent deux approches différentes dans la conception d’un quartier durable.
Concernant l’ « Econ-urban », les deux labels prônent une économie responsable, verte et locale. Les deux certifications valorisent le dynamisme économique des quartiers passant par la mixité d’usages et la capacité à générer un développement local. La certification LEED axe ses propositions sur le développement compact et la production alimentaire au sein du quartier. Le label EcoQuartier a une approche légèrement différente avec la volonté d’intégrer au dynamisme économique l’utilisation de ressources locales et ainsi de mettre en valeur les circuits courts et favoriser le développement d’industries locales. On peut noter que trois des 20 engagements du label EcoQuartier portent sur la promotion d’une économie locale et raisonnée ce qui montre l’importance de ce pilier du développement durable, dans les critères de labellisation.
La diminution de l’empreinte carbone et la protection de la biodiversité sont deux thèmes clés dans la conception d’un aménagement durable en raison de la prise de conscience massive de l’impact des activités humaines sur l’environnement. L’ « Ecol-urban » est le principe le plus représenté dans chacune des deux certifications. Dans le LEED, on peut compter 5 critères montrant l’engagement du label en termes de protection de la faune et de la flore des lieux mais aussi des terrains en eux-mêmes. On compte de la même façon 7 crédits qui font directement référence à une meilleure gestion de l’eau passant par le traitement et la réutilisation des eaux usées, des eaux de pluies, etc… Mais aussi, à une meilleure gestion de l’énergie avec l’utilisation des énergies renouvelables et la réduction des besoins énergétiques des immeubles, et enfin à la gestion des déchets. Le label EcoQuartier lui aussi valorise dans ses engagements la protection de l’environnement et du climat, la préservation des ressources et la gestion durable de l’eau et des déchets. Les deux certifications ont intégré dans leurs critères l’utilisation de la mobilité douce et la réduction de l’empreinte carbone liée à l’utilisation de la voiture. Cependant, le LEED va plus loin dans son engagement avec une volonté de réduction des effets d’ilot de chaleur urbain et la construction de bâtiments certifiés « green ».
Le bien-être dans un quartier et le sentiment d’appartenance à une communauté sont des aspects du principe « Living-urban » présents dans les deux labels étudiés. Le LEED intègre ce principe dans les critères se référant à l’étude de la localisation du quartier et les enjeux qu’elle soulève. En effet, une réflexion préalable sur l’emplacement d’un quartier permet un aménagement correspondant plus précisément aux attentes des habitants afin qu’ils s’approprient plus facilement les lieux. On retrouve dans le label EcoQuartier un engagement similaire visant à vérifier que les atouts et les contraintes du terrain s’accordent avec les besoins des habitants. Cependant, les deux labels abordent la question de la qualité de vie de manière différente. Le label EcoQuartier l’envisage comme étant associé à une architecture attractive et à un environnement sain et sécurisé. Le LEED ND intègre explicitement dans la notion de bien-être l’accessibilité aux espaces publics, aux lieux de rencontre partagés et aux équipements de divertissements.
Le principe « Local-Urban » est très présent dans le LEED comprenant différents crédits faisant référence au développement du quartier à une échelle locale. Le LEED est très attaché à insuffler un esprit de communauté au sein de l’aménagement des quartiers et il initie des questionnements sur les moyens de connecter les habitants entre eux. On retrouve aussi des critères qui valorisent la présence d’emplois locaux, de logements et d’écoles dans un même quartier. Cependant, le label LEED ND souligne ces enjeux sans apporter de précisions et de spécifications sur la manière de les aborder dans la conception du projet. Le label EcoQuartier est lui aussi peu précis sur sa vision de l’implication citoyenne au sein du quartier. Néanmoins, dans certains engagements de la chartre, on peut ressentir la volonté d’implication des citoyens avec la prise en compte des usages et des avis des habitants dans l’aménagement de leur quartier afin de créer une politique locale. Cette notion permet la transition vers le cinquième principe celui de « Democ-urban »
Celui-ci est mis en valeur par le label EcoQuartier qui encourage la consultation des habitants durant tout le processus de labellisation. Les habitants participent à la fois à l’aménagement du quartier mais aussi au devenir du quartier après la réception des travaux grâce à la consultation de la population dans les trois ans qui suivent la fin de la construction afin de constater les évolutions du quartier. Le label EcoQuartier a été construit autour de l’idée que les habitants seraient des acteurs principaux du projet. Tous les acteurs consultés lors de label EcoQuartier travaillent ensemble dans un processus participatif afin d’arriver à des solutions prenant en compte les intérêts de chacun. Le LEED ND est moins engagé dans cette approche participative même s’il encourage la consultation de la population et des aménageurs et architectes. D’ailleurs, le LEED ND n’intègre pas dans sa notation la consultation avec la population pour les phases d’aménagement ou pour le suivi du quartier. Cependant, cela pourrait être amené à évoluer dans les prochaines versions mises à jour de la certification car l’USGBC a commencé à introduire cette notion de suivi pour la certification des constructions neuves (LEED NC).
Le principe de « Diverse-urban » est présent dans les deux labels sans pour autant être défini très précisément. La certification LEED et le label EcoQuartier promeuvent tous deux différentes mixités (fonctionnelle, sociale et générationnelle) dans leurs aménagements. Cependant, le LEED cherche d’avantage à obtenir une mixité fonctionnelle alors que le label EcoQuartier encourage d’avantage une mixité sociale et intergénérationnelle « Mettre en œuvre les conditions du vivre-ensemble et de la solidarité » (engagement 7). Ce brassage doit permettre une solidarité et un meilleur dynamisme du quartier.
Le principe d’ « Equi-urban » est très présent dans le label LEED. On trouve plusieurs crédits récompensant la construction de logements abordables, et l’accessibilité aux aménagements pour les personnes en situation de handicap physique. Dans le label EcoQuartier, l’engagement sur ce sujet est beaucoup plus flou avec une seule allusion à ce propos dans l’engagement de « contribuer à un développement économique local, équilibré et solidaire » (engagement 11). Cependant, on peut noter que la réglementation française et déjà assez avancée sur ce point puisqu’elle prévoit, à travers l’article 55 de la Loi relative à la Solidarité et au renouvellement Urbains (loi SRU, 2000), que les communes les plus importantes intègrent au moins 20 % de logements sociaux afin de favoriser l’accès aux logements pour tous.
Conclusion
L’étude de ces deux certifications à travers ces 7 principes nous montre les différences et les ressemblances dans notre façon d’envisager les quartiers durables. Alors que le LEED cherche à définir précisément ce qu’il attend d’un quartier en fixant des critères très rigides permettant d’assurer la qualité des projets certifiés, le label EcoQuartier s’attache quant à lui à donner des pistes de réflexions aux aménageurs sans limiter leurs initiatives (quitte à accorder la labellisation à des quartiers moins performants sur certains points). On peut néanmoins voir ressortir de grands enjeux communs aux deux certifications : la maîtrise des impacts sur l’environnement, l’importance de la solidarité et de l’équité entre les habitants ou encore la valorisation du local.
La question qui se posera surement dans les années à venir est celle de l’utilité de ces labels et certifications pour dynamiser l’émergence de ces quartiers durable et la nécessité d’une supervision institutionnelle ou réglementaire pour piloter ces référentiels et leurs exigences. Dans une époque où les technologies ne cessent d’évoluer, rendant obsolètes les fleurons d’hier, comment peut-on s’assurer que les quartiers durables qui font référence aujourd’hui ne seront pas dépassés
Références
About-deChastenet, Cedissia, Daniela Belziti, Bruno Bessis, Franck Faucheux, Thibault Le Sceller, Fançois-Xavier Monaco, Pierre Pech, 2016 “ The French eco-neighbourhood evaluation model: Contributions to sustainable city making and to the evolution of urban practices”. In Journal Of Environmental Management (176). https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2016.03.036
Cerema, 2017 “Référentiel national pour l’évaluation des EcoQuartiers ». http://www.territoires-ville.cerema.fr/IMG/pdf/cer_eq_memento_pages_cle71147c.pdf
Colin McFarlane, 2010 “The comparative city: knowledge, learning, urbanism”. In International Journal of Urban And Regional Research 34(4) DOI: 10.1111/j.1468-2427.2010.00917.x
Cheatham, Chris, 2010 “USGBC CEO warns of leed decertification” Green building law update. http://www.greenbuildinglawupdate.com/2010/09/articles/legal-developments/usgbc-ceo-warns-of-leed-decertification/
Curran, Deborah, 2016 “Green development, new entanglements of property, planning and the public interest”. In Public interest, private property, Law and planning policy in Canada. Edited by Smit, Valiante, 166-191.Vancouver, UBC Press.
EcoQuartier, 2015. Dossier de labellisation. Ministère de l’égalité du territoire et du logement. http://www.eco-quartiers.fr/dl//img/dossier-de-labelisation-ecoquartier-986.pdf
EcoQuartier, Site officiel du Ministère de l’égalité du territoire et du logement sur le label. http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/les-ecoquartiers
EcoQuartier, 2017 Charte des EcoQuartiers. http://www.eco-quartiers.fr/dl//img/charte-ecoquartier-985.pdf
Holden, Meg, Charling Li, Ana Molina, 2015 “The emergence and spread of Ecourban Neighbourhoods around the world”. In Sustainability 2015,7(9) [Online]. DOI: 10.3390/su70911418
Holden, Meg, Charling Li, Ana Molina, Daniel Sturgeon, 2016 “Crafting New Urban Assemblages and Steering Neighborhood Transition: Actors and Roles in Ecourban Neighborhood Development”. In Articulo-Journal of Urban Research [Online]. DOI: 10.4000/articulo.3114
Jund, Alain, 2016 Label EcoQuartier: une nouvelle étape pour l’avenir durable de nos territoire. [En ligne, consulté le 01/08/17] http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/ok-bat_5-12-2016-_rapport_jund__ecoquartier-48_pages.pdf
Kyrkou, Dimitra, Roland Kartheus, 2011 “Urban sustainability standards: predetermines checklists or adaptable frameworks?” In Procedia Engineering 21 https://doi.org/10.1016/j.proeng.2011.11.2005
LEED, 2009. Règlementation détaillée du LEED 2009 pour l’aménagement des quartiers par l’USGBC. http://www.cagbc.org/cagbcdocs/LEED%202009%20for%20ND%20with%20Canadian%20ACP_final_french_HR2.pdf
LEED, 2017. Règlementation détaillée du LEED V4 pour l’aménagement des quartiers par l’USGBC. https://www.usgbc.org/sites/default/files/LEED%20v4%20ND_07.8.17_current.pdf
Sedlaeck Sabine, Gunther Maier. 2012. “Can green building councils serve as third party governance institutions? An economic and institutional analysis” In Energy Policy (49) https://doi.org/10.1016/j.enpol.2012.06.049
[1] Holden et Al. (2015)